Vagalame Elen'Haira

Musique !

Quelques notes de harpe retentissent dans la taverne bondée de Dol Amroth réduisant le brouhaha ambiant à un simple murmure. Une voix douce et féminine s’élève peu à peu venant délivrer ces mélancoliques paroles :

Sur la lande déserte, une femme fredonne,
Pour son enfant et pour elle aussi :
"Je connais ton père, petit bonhomme,
Il vit très loin, très loin d'ici."

Un soir de tempête, il est entré.
Mon dieu, la tête qu'il avait.
Il dit s'asseyant sur le lit :
"C'est moi le père du petit."

"Je suis un homme sur la terre,
Je suis un dauphin dans la mer,
Je vis très loin, très loin d'ici,
Dans le delta de l'Ethir Anduin."

Jetant sur la table une bourse d'or,
Il dit : "Voilà pour ton effort.
Quant au petit, dès aujourd'hui,
Il faut te séparer de lui."

"Je viendrai le prendre un soir à la brune,
Quand le ciel s'accroche au filet meurtri,
Je lui apprendrai à prendre l'écume
Comme mon père me l'avait appris."

"Un marin pêcheur tu épouseras,
Des harponneurs le plus adroit,
Et le premier coup qu'il décochera
Tuera mon fils, mon fils et moi "

Sur la lande déserte, une femme fredonne,
Pour son enfant et pour elle aussi :
"Je connais ton père, petit bonhomme.
Il vit très loin, très loin d'ici."

L’elfe ménestrelle se tait et laisse ses doigts fins parcourir les fragiles cordes de sa harpe encore un moment les yeux clos. La dernière note éteinte, elle s’incline profondément sous les applaudissements chaleureux des spectateurs visiblement charmés par sa prestation. Elle relève la tête en souriant largement, pose sa harpe en équilibre sur une chaise et attrape une petite flute taillée dans le même bois que la harpe. Ses yeux verts s’éclairent d’une lueur malicieuse alors qu’elle annonce qu’elle va interpréter un morceau venu tout droit d’une région méconnue des grandes gens : la Comté. Esquissant un petit pas de danse, elle porte la flute à sa bouche et entame une mélodie joyeuse et emportée.

La clientèle de la taverne est en grande partie composée d’hommes mais on peut y apercevoir aussi quelques elfes de passage, sans doute en attente du navire qui les portera vers Aman, et même un petit groupe de nain agité. Un des nains aux cheveux noirs broussailleux et à la pilosité faciale fort développée tape du pied en cadence le regard rivé sur l’elfe à la peau très pâle et aux longs cheveux sombres et bouclés. Il bondit soudainement de sa chaise et se met à exécuter une gigue endiablée juste devant la joueuse de flute dont les yeux semblent rire alors qu’elle l’observe sans s’interrompre. La dernière note envoyée, elle détache la flute de ses lèvres et part dans un formidable éclat de rire déclenchant une franche hilarité chez le danseur improvisé, qui se laisse choir sur le sol, rendant perplexe un certain nombre de spectateurs dont les elfes.

Son hilarité passée, la ménestrelle tend une main gracile vers le nain pour l’aider à se relever.
« Ola ma jolie dame, j’peux bien me r’lever tout seul ! » dit-il en relevant d’un bond et en effectuant une petite courbette « Permettez-moi de m’présenter ! J’suis Brok de la montagne grise, à vot’ service ! »
Il s’empare prestement de la main toujours tendue de l’elfe et y dépose un petit baiser.
« Et comment vous nomme-t-on belle ménestrelle ? » lui demande-t-il d’un ton charmeur.
« Vagalame... maître Brok de la montagne grise » répond-elle, un sourire amusé vissé sur les lèvres « Que diriez-vous d’un peu de musique de votre pays ? » lui demande-t-elle en posant la flute et se munissant d’un braudran taillé lui aussi dans le même bois que sa harpe.
Elle adresse un clin d’œil complice à Brok et se met à marteler le baudran en cadence, tout en entonnant dans un khuzdul un peu hésitant, un chant guerrier nain.
« Ah ! » braille le nain en se tapant sur la cuisse « Allez vous autres tous en cœur ! »
Le groupe de nain se met à chanter à l’unisson, couvrant la voix mélodieuse de la chanteuse et faisant fuir au passage quelques clients à la recherche de calme.

« Ca mérite une chopine, pas vrai les gars ?! » hurle Brok à ses compagnons une fois la chanson achevée. « Tavernier à boire pour la naine aux oreilles pointues ! »
Vagalame s’incline souplement devant les nains visiblement ravis et tous se mettent à parler en même temps, déclenchant à nouveau son rire cristallin.
« Moi j’suis Brak ! » se présente un des nains dont la forte ressemblance physique avec Brok, en plus de son nom, le désigne comme son frère.
« Et moi Knud ! » annonce un autre dont la barbe grise descend jusqu’à la poitrine.
« Moi c’est Ayor ! » braille un troisième nain plutôt replet alors qu’il saisit la main de l’elfe pour la secouer avec ardeur.
« Durak, j’suis Durak ! » hurle le dernier essayant de se faire entendre.
Brok fronce les sourcils en leur jetant un regard assassin « Ola tout doux les gars ! J’lai vu l’premier ! »
« Allons messieurs ! » les interrompt l’elfe en rigolant « Une petite complainte de mineurs ça vous dit ? » leur demande-t-elle en reprenant sa harpe et en passant ses doigts le long des cordes, faisant résonner quelques notes.
Les nains répondent par un oui unanime et s’installent confortablement autour de l’elfe qui entonne une mélodie aux paroles rocailleuses mais d’une grande douceur.

La nuit est fort avancée lorsque Vagalame sort enfin de la taverne passablement éméchée, les nains n’ont accepté de la laisser partir qu’à la condition de les retrouver le lendemain afin de discuter de leur éventuel voyage commun. En effet, la troupe doit repartir le surlendemain vers le nord en direction d’Edoras et doit traverser pour cela les terres du Gondor. La ménestrelle étant pour sa part attendue en Lothlorien pour l’été, les nains lui ont naturellement proposé de l’accompagner un bout de chemin, lui proposant leur protection et compagnie contre ses talents musicaux.

L’air marin nocturne dégrise rapidement l’elfe qui parvient sur le port un peu par hasard. Elle avise un rouleau de corde sur un ponton un peu à l’écart et s’y assoit la harpe en main, le reste de ses instruments bien enveloppés dans un sac sur son dos. Levant le visage vers le ciel, elle lance un sourire à la lune et passant ses doigts sur les cordes fredonne pour elle-même.

Sur la lande déserte, une femme fredonne…

(chanson pompée de Tri Yann, le dauphin)

Départ

« J’te dis qu’il faut la plier ! » dit Brak, l’air franchement agacé, une couverture à la main.
« Mais non ! Ca s’roule comme ça, ça prend moins d’place ! » Rétorque Ayor, sa couverture dans une main, une tartine dans l’autre.
« Si j’peux… » Tente de placer Durak sans succès.
« Tu vois bien qu’plié c’est mieux ! » le coupe Brak tout en pliant la couverture.
« Ah oui ?! ‘ttends voir… » Ayor coince sa tartine entre ses dents et entreprend de rouler sa couverture avec force en la coinçant contre son ventre rebondit et soufflant comme un bœuf par le nez.
Un éclat de rire féminin les interrompt soudain, les coupant net dans leur élan.
« Bien le bonjour messieurs ! » clame Vagalame en leur offrant un sourire radieux.
De surprise Ayor en laisse tomber sa tartine qui vient s’échouer sur le sol du mauvais côté évidemment.
« Bonjour très chère Vagalame… » Répond-il sans se préoccuper de la tartine qu’il écrase sous sa botte alors qu’il s’avance pour la saluer sous l’œil goguenard de ses deux comparses.
« T’as vu ça Durak ? » murmure Brak en désignant la tartine.
« Ouaip…Et j’en crois pas mes yeux… »
« Brok est dans les parages ? » s’enquiert l’elfe de sa voix chantante.
Brak acquiesce en pointant du doigt une direction « Par-là vers les écuries… »

Vagalame le remercie d’un signe de tête et fait quelques pas vers la direction indiquée avant de se retourner et de leur lancer d’un air mutin « J’ai résolu ce problème… en me passant de couverture… » Et sans attendre de réponse, elle reprend sa route en entonnant une chanson paillarde humaine dont les paroles pour le moins légères seraient aptes à faire rougir un nain, laissant les trois compagnons bouche bée.

Après avoir tourné un moment dans le vaste camp nain situé en périphérie de Dol Amroth, la
ménestrelle finit par trouver Brok qui l’accueille avec un réel plaisir.
« Ah Vagalame, vous voir est un enchantement… » Lui lance le nain charmeur en lui baisant la main délicatement.
En retour, elle s’incline profondément devant lui en souriant « L’enchantement est pour moi maître Brok »
« Alors prête pour tenter l’aventure avec nous aut’ ma jolie ? J’vous garantis que vous n’le regrett’rez pas ! »
« En effet maître Brok, c’est pour cela que je suis venue, nous partirions demain ? »
« Ah mais quand vous voulez ma chère… maint’nant même si vous l’désirez ! »
Vagalame esquisse un sourire amusé « Demain ce sera parfait pour moi. Cela me laisse le temps de trouver une monture…»
Le nain semble réfléchir un instant puis désignant les écuries toutes proches « V’nez, on doit avoir pouvoir vous trouver un ch’val assez haut… »

Ayant trouvé un destrier digne de ce nom pour Vagalame, le duo improbable finit par rejoindre le reste de la troupe afin de se préparer au long voyage qui les attend. Le groupe de nain est bien rodé, chacun sa tâche : Ayor pour la nourriture et l’intendance, Durak et Brak pour les poneys et les armes indispensables pour ce genre d’équipée, Knud pour le matériel de premier secours, herbes et potions diverses et enfin Brok qui supervise le tout avec attention. Galvanisés par la présence de la ménestrelle, les nains redoublent d’efficacité, parcourant le vaste camp en tout sens tels de véritables fourmis ouvrières. Vagalame ne sachant trop que faire, ses maigres possessions déjà emballées et prêtes, est rapidement réquisitionnée par Knud bien décidé à lui inculquer quelques connaissances en herboristerie.

La journée s’achève à la taverne devant un bon repas, chaque nain rivalisant d’inventivité pour faire rire l’elfe aux éclats sous le regard plutôt étonné des autres clients, qui n’ont manifestement pas l’habitude de voir une elfe entourée d’une bande de nains braillards. Quelques histoires et chansons pour terminer joyeusement la soirée et tous retournent au camp pour une bonne nuit bien méritée.

Aux premières lueurs de l’aube, la petite troupe est fin prête au départ. Afin de rejoindre Edoras, Brok a décidé de longer la côte vers l’ouest pour rejoindre le port elfique d’Edhellond puis de bifurquer vers le nord en remontant le cours de la rivière Morthond au moins jusqu’au piémont des montagnes blanches. Là-bas, un chargement de minerais précieux devrait leur être confié pour être acheminé en toute sécurité vers le Rohan.

Après un dernier coup d’œil sur la cité de Dol Amroth dont les toits s’éclairent doucement sous les premiers rayons du soleil, la petite troupe se met en route et on peut entendre alors qu’elle s’éloigne au trot, la voix douce de la ménestrelle entonner une ballade naine, reprise en cœur par les voix rocailleuses de ses compagnons.

(Pour la géographie : http://www.arda-cartes.net/3Age/3A.gif )

Ca me fait penser à un film
Intéressante la carte en fin de récit. Souvent lorsqu'on lit les bouquins on a l'immense déception de ne trouver que des cartes illisibles ou riquiquis.

Quel film ?
Oui je l'ai trouvé pas mal cette carte, je m'en sers beaucoup

Macabre découverte

Au détour du chemin, un étrange cortège apparaît, trois nains robustes et plutôt bruyants juchés sur des poneys tout aussi robustes devancent un chariot bâché au contenu invisible conduit par un nain bedonnant. Un peu en arrière de ce chariot, un nain à la barbe grise monté sur un poney brun écoute l’air pensif le chant d’une elfe à cheval.

Demain la route va me prendre
Dans les anneaux de ses détours
Qu'elle se décide à me rendre
Ou qu'elle m'avale pour toujours

Je vous emporte dans mon cœur
Par-delà le temps et l'espace
Et même au-delà de la mort
Dans les îles où l'âge s'efface
Et même au-delà de la mort
Je vous emporte dans mon cœur…

Le petit convoi avance tranquillement en direction du Col de Tarlang par un chemin, pour l’heure, peu fréquenté traversant la plaine parsemée de petites collines. On peut distinguer à travers une légère brume les montagnes blanches se découper à l’horizon. La compagnie a quitté le cours du Morthond la veille, pressée de parvenir enfin au lieu de leur première étape après bien des jours de voyage sur les chemins chaotiques du Gondor. Jusqu’à présent le périple s’est déroulé sous les meilleurs auspices parsemé de chansons et de récits héroïques. Quelques plaies et contusions quand même lorsque les nains décidèrent que toute ménestrelle qu’elle soit, leur compagne elfe se devait d’apprendre le maniement des armes ; ce fut laborieux mais ils étaient fiers des progrès accomplis et rassurés de savoir qu’elle pouvait maintenant se défendre seule contre au moins un ou deux adversaires.

Soudain, le cavalier de tête tourne la bride et s’en vient apostropher les deux retardataires.
« Vagalame ! Knud ! Nous y s’rons au point du jour ! »
« Bien bien Brok ! » répond Knud légèrement contrarié par cette interruption intempestive.
« Quelque chose ne va pas Brok ? » s’enquiert quant à elle Vagalame, alarmée par l’air
renfrogné du chef nain. Lui habituellement si jovial, arbore une mine inquiète et un regard sombre.
« Que’qu’chose n’tourne pas rond… On devrait voir plus d’monde sur ce bout d’chemin. J’ai envoyé Durak en reconnaissance. »
En effet, le nain facilement reconnaissable par sa chevelure rousse flamboyante s’éloigne du chariot au grand galop sa hache sur le dos.
« Restez sur vos gardes et n’restez pas derrière ! »
D’un claquement de langue l’elfe presse le pas de sa monture pour rejoindre Brak et Ayor, suivie de près par Brok et Knud.

Les voyageurs cheminent maintenant silencieusement guettant le retour de Durak, l’inquiétude croissant au fur et à mesure que le temps égrène ses heures. Et puis enfin, dans un nuage de poussière apparait l’éclaireur au grand soulagement de ses compagnons, son poney couvert de sueur renâcle et hennit lorsque son cavalier lui fait stopper violemment sa course.

« Des gob’lins ! » annonce-t-il à la ronde. « Je n’sais pas où ils sont mais les traces sont fraiches »
Interloquée, le reste de la troupe reste muette le temps de digérer l’information, puis Brok donne ses instructions d’un ton calme.
« Hâtons-nous ! Préparez vos armes ! Vagalame Knud près du chariot avec Ayor ! Les autres devant, je surveille nos arrières ! Ouvrez l’œil ».
Tous acquiescent d’un mouvement de tête et chacun prend position, l’arme prête à être brandie.

Le soleil décline à l’horizon lorsqu’ils parviennent en vue de leur destination sans avoir croisé ni gobelins, ni quoi que ce soit d’autre d’ailleurs. Sans être jamais venue Vagalame sait ce qu’elle va trouver, Brak pourtant peu bavard est intarissable quand il s’agit de parler des mineurs et de leurs exploitations. Le camp qu’ils rejoignent est constitué de quelques constructions troglodytes à l’architecture angulaire comme seuls savent les construire les nains, trois destinées à l’habitation
des mineurs, une pour le stockage des minerais.

Un silence pesant règne alors qu’ils arrivent enfin devant les constructions naines, pas âme qui vive… Quelques braises achèvent de se consumer paresseusement dans le foyer situé au centre d’une sorte de cour occupée par quelques bancs en pierre, un fumoir à viande et un râtelier d’outil. D’un geste Brok fait signe à ses compagnons inquiets de ne pas descendre de montures et saute de son poney prestement. La hache à la main il se dirige rapidement vers la première construction dont il ouvre la porte d’un coup de botte et s’arrête net. Devant lui en un tas informe s’amoncellent les cadavres des occupants des lieux.
« Par la barbe de mes ancêtres ! » s’exclame-t-il le visage livide.
Se tournant vers ses compagnons « On s’en va ! Maint’nant ! »
A peine a-t-il prononcé ces mots que le cri rauque d’une corne gobeline résonne...